L'effet Pygmalion dans les apprentissages
Dans cet article, nous parlons de l’effet pygmalion dans les apprentissages
- L’effet Pygmalion consiste en l’amélioration des performances d’un individu en fonction du degré de croyance en sa réussite venant d’un parent, d’un enseignant ou d’un entraîneur.
- A l’inverse, l’effet Golem consiste à conditionner un individu avec des attentes négatives provoquant une diminution de son estime de soi, de son sentiment d’efficacité personnelle et de sa performance.
Pour commencer, je vous propose de reprendre les différentes expériences qui ont permis de mettre en avant cet effet Pygmalion.
Débutons par le phénomène le plus largement étudié́ qui est celui que Robert Merton en 1948 : La “prophétie autoréalisatrice” qui apparaît quand une croyance erronée conduit à sa propre réalisation.
« Dès que les professeurs commencèrent à le traiter en bon élève, il le devint véritablement : pour que les gens méritent notre confiance, il faut commencer par la leur donner » (Marcel Pagnol, Le temps des amours, 1988, p. 76).
John Doe
L'étude de Rosenthal et Jacobson
En 1968, avec l’étude de Rosenthal et Jacobson et leur livre « Pygmalion à l’école », le thème des attentes de l’enseignant est véritablement posé. Cette question éducative entraîne alors de nombreuses investigations.
Dans leur étude, Rosenthal et Jacobson ont fait croire à des enseignants qu’une partie des élèves de leur classe avait un QI supérieur à l’autre partie. Ils évoquaient alors « les prometteurs » en parlant des élèves qui « soi-disant » avaient des capacités intellectuelles supérieures aux autres.
Il ne s’agissait en réalité que d’une pensée erronée. Les auteurs avaient fait des sous-groupes par pur hasard. Mais, à la surprise générale, il s’avère que ce groupe a fini avec un QI supérieur aux autres élèves en fin d’année. Les fortes attentes qui avaient été mises sur eux ont alors été exaucés ce que les auteurs ont appelé « l’effet Pygmalion ».
L'impact de l'effet Pygmalion à l'école
Pour résumer, l’expérience a été largement décriée ou encensée…
Certains ont critiqué la réalisation peu scientifique de cette expérience pendant que d’autres vouaient un culte à la théorie qui en a découlé. Depuis, de nombreux travaux ont été conduits sur les effets des attentes dans des contextes variés et l’ensemble des résultats conclu à l’existence du principe de la Prophétie Autoréalisatrice (PA) mais de façon relative en termes de fréquence et de puissance.
Poursuivons par un autre type d’étude avec les observations réalisées par Ray Rist en 1970.
Ce chercheur a observé pendant 3 ans des instituteurs et plus particulièrement leur comportement, associé à la trajectoire scolaire d’enfants américains de milieux défavorisés, âgé de 5 ans.
Il conclut par le fait qu’après une semaine d’école, l’enseignant avait « déjà » identifié les élèves rapides et les élèves plus lents ; il les avait alors disposés de façon particulière dans sa classe en mettant les élèves les plus rapides au premier rang et les autres en fond de classe.
Il consacrait alors plus de temps et d’énergie aux élèves du premier rang entraînant de façon prévisible un manque d’intérêt et de l’agitation chez les élèves plus éloignés. Lorsque l’enseignant s’adressait à ces derniers, c’était bien souvent pour les reprendre quant à leur comportement. Par ce manque de considération et d’intérêt, les progrès de ces élèves étaient plus que modestes et les élèves du premier rang ne manquez pas de les moquer.
Progressivement, les élèves considérés comme lents ont intégré l’idée et l’image que l’enseignant leur renvoyait, s’éloignant progressivement des tâches scolaires.
Il s’est alors aperçu que le fait de poser une étiquette de rapide ou de lent sur les élèves à cristalliser ce comportement rendant cet a priori « officiel » chez les enfants, qui se sont alors comportés comme tels.
Plusieurs auteurs s’accordent sur l’existence de 3 étapes principales pour expliquer le fonctionnement de l’effet pygmalion :
- Les enseignants forment assez rapidement des attentes différenciées selon leurs élèves.
- Ces attentes entraînent une gestion particulière des élèves tant sur le plan quantitatif que qualitatif
- Ce traitement différencié change les perceptions, comportements et résultats scolaires des élèves dans le sens des attentes pressentis de l’enseignant.
Certains auteurs ont mis l’accent sur l’aspect essentiel de la perception des attentes et du traitement différentiel de l’enseignant par les élèves, afin que ceux-ci répondent de façon implicite à ces attentes.
Des études montrent que ces attentes sont en général basées sur les résultats scolaires antérieurs de l’élève, notamment les notes mais également les commentaires des enseignants précédents. Ce constat a été réalisé lors de plusieurs études et montre qu’il s’agit d’un comportement que l’on retrouve depuis la maternelle et ce jusqu’au lycée.
Les résultats notamment aux premières évaluations de l’année peuvent engendrer ce type d’attente différenciée.
L'effet Pygmalion du côté des enfants ?
En plus de ces résultats et de ses performances, l’attitude et le comportement de l’élève en classe constitue également un fondement à partir duquel l’enseignant peut établir des attentes différentes selon les élèves.
Toutefois, d’autres facteurs peuvent également entrer en ligne de compte tels que les résultats des frères et sœurs précédemment scolarisés dans la même école, ou encore en se basant sur d’autres caractéristiques spécifiques à des groupes sociaux.
Si nous nous mettons à présent du côté des élèves, les diverses études qui ont été menées rendent compte d’une perception bien réelle de ces attentes différenciées ; Les élèves ayant eu des attentes moindres par leur enseignant déclarent recevoir moins de soutien affectif.
Des élèves plus âgés peuvent même exprimer une perception différente dans l’expression faciale et dans le langage corporel des enseignants selon qu’ils s’adressent aux élèves dits en réussite ou dits en difficulté.
Depuis les premières études, des nuances ont été apportées sur la réelle influence quantitative quant aux conséquences sur le QI de l’enfant ; en revanche, il semble indéniable qu’il y ait un réel effet et de réelles conséquences plus immédiates sur l’élève notamment sur ses performances scolaires et sur sa motivation. Nous pourrions même ajouter sur la confiance en soi et l’estime qu’il peut avoir de lui-même.
Des études datant du début des années 2000 ont cherché à identifier des modulateurs de l’effet pygmalion ; 3 types de facteurs sont généralement énoncés :
- Les élèves particulièrement sensibles à cet effet
- Les enseignants davantage amené à le provoquer
- Les situations maximisant son existence
La vulnérabilité des élèves par rapport aux attentes de leur enseignant semble très en lien avec certaines caractéristiques sociales, démographiques ou encore avec leurs antécédents scolaires.
Les élèves les plus sensibles seraient donc les enfants plus facilement « stigmatisables ».
Globalement, les enseignants cherchent souvent à développer une impression précise de leurs élèves, n’hésitant pas à réviser régulièrement leur perception et donc leurs attentes. Toutefois, certains professionnels plus dogmatiques ou autoritaires, peuvent davantage rester sur leur appréciation initial fixe et engendrer davantage des faits de type prophétie auto-réalisatrice.
Les contextes favorisant les effets des attentes se retrouve notamment lorsque les élèves intègrent un nouvel environnement, lors d’un nouveau cycle scolaire par exemple ou lorsqu’il change d’établissement.
La taille des classes peut également avoir un effet lorsque celles-ci sont en surnombre ; de même, certains travaux font ressortir le caractère modulateur de la matière scolaire.
Pour réaliser cet article, nous nous sommes basés sur la recherche de David Trouilloud et Philippe Sarrazin : « Les connaissances actuelles sur l’effet Pygmalion : processus, poids et modulateurs »